Ma découverte de l'oenologie et de la Confrérie de l'Etiquette
L’apprentissage
Pendant 7 années, j’ai suivi les cours donnés par Michel Ballanche, ex professeur du Lycée hôtelier (qui a formé plusieurs des meilleurs sommeliers mondiaux). Ces études consistent à suivre le processus d’élaboration du vin : de la connaissance des sols, au cépage, fermentation, assemblages, élevage et dégustation. Une fréquentation assidue m’a permis de connaître des personnages extrêmement attachants. L’art des sommeliers est souvent ignoré, alors qu’ils gèrent des sommes considérables, pour le profit de leurs clients et patrons. Le vin et les alcools représentent en effet 50% d’une addition et la gestion d’une cave ne peut relever de l’improvisation. Il faut donc connaître les périodes d’apogée et les dates limites de conservation des vins qui sont variables selon leur couleur. La longévité d’un vin est différemment appréciée selon les époques. Les ventes aux enchères sont de plus en plus risquées lorsque les millésimes sont anciens. L’hôtel de Paris à Monte Carlo se refuse désormais à acquérir des flacons trop âgés à cause des risques de pertes. Il y a un siècle on élevait les vins de garde pour ses enfants, alors qu’aujourd’hui on les produit pour soi-même. Le financement d’une cave sur une longue période s’avère coûteux en temps et en argent puisqu’il faut de temps en temps en tester la qualité des produits. Les vins du nouveau monde qui atteignent rapidement leur maturité du fait de leur climat imposent des durées de conservation plus courtes, dans la mesure ou un Syrah ou un Cabernet sauvignon australien ou chilien sont consommables immédiatement, au contraire de nos mêmes cépages des Côtes du Rhône ou de Provence.
Le Douro et son vignoble des vins de Porto
La recherche de saveurs prédéterminées
L’œnologie permet d’utiliser toutes les astuces qui offrent la possibilité de penser à la qualité finale d’un vin en employant des méthodes orthodoxes ou pas afin de délivrer un vin de plaisir. En recherchant les assemblages et en orientant les arômes il est désormais possible d’aller vers la facilité désirée par le consommateur. Rien qu’en jouant sur la durée de la fermentation, sur la nature des levures et sur l’emploi du bois (selon la nature de sa chauffe) on arrive à pouvoir concevoir une texture et des arômes par prédétermination. En sachant qu’il existe trois types de tonneaux de chêne : américain, français, roumain qui facilitent plus ou moins les échanges avec l’atmosphère et que le brûlage des douelles des tonneaux comporte trois niveaux avec pour chacun un plus et un moins, on arrive à 21 possibilités aromatiques différentes de la vanille au chocolat ou au café en passant par le pain d’épices pour parvenir à des finales zan. Face à la parkérisation de notre vignoble, je conseille l’excellent film « Mondovino » qui cerne toute la problématique actuelle du vin.
La chimie du vin
La pruine du grain de raisin et son contenu enferment 300 composés chimiques différents. Dans certains cas, la fermentation de certains cépages désormais interdits, donnait lieu à une transformation en acide méthylique, tandis que pour les autres cépages, la transformation alcoolique était normale. Le vin jaune du Jura se transforme avec une prise de pellicule qui part du haut de la barrique et s’étend verticalement sans que l’on en connaisse encore le processus exact. En effet certaines années, la prise de voile ne se fait pas, ce qui rend le produit impropre à la consommation. Alors que l’on peut accélérer le démarrage de la fermentation pour tous les vins par l’introduction de levures, c’est encore impossible pour les vins jaunes. La fermentation alcoolique d’un vin permet la transformation des sucres en alcool. C’est une première transformation dite « éthylique » mais une autre fermentation dite malolactique intervient pour assouplir les rouges. Les vins blancs sont susceptibles de voir l’acide tartrique précipité afin de diminuer leur acidité. La teneur en sucres sera modifiée par les techniques de passerillage et les vendanges tardives où l’on recherche la présence d’un bacille dit de pourriture noble.
Vignoble d'Asti au printemps
La vie d’une association : la Confrérie de l'Etiquette
L’étiquette possède un vignoble
Admis dans une confrérie, celle de l’Etiquette de Menton, j’ai pu y effectuer des travaux pratiques grâce à la vigne de l’Annonciade située sur les hauteurs de la ville de Menton. Je participe aux manifestations festives, aux visites et aux vendanges. Les travaux sur site, face à l’admirable baie de Menton, font mieux qu’une séance en salle de gymnastique. La plantation en terrasses, les efforts pour aider la vigne à se développer à son démarrage, les tailles vertes et la vendange sont des activités de grand air et de plein soleil.
Vendangeurs en pleine activité
Les dégustations comparatives
Tous les mois, la confrérie réunit ses membres pour un repas accompagné par les vins d’une région viticole différente. C’est à l’aide de travaux pratiques comparatifs que notre goût se développe. Or ce travail est exigeant en temps, ce qui explique l’édition de nombreux guides du vin. Une dégustation verticale ou une horizontale, c’est une comparaison entre dix et vingt flacons, d’où l’obligation de cracher le vin. Le prix des vins, exige aussi une mutualisation des comparaisons, chose impossible à réaliser sans une structure associative. Lorsque nous achetons un vin chez un producteur, il nous conduit naturellement des vins bas de gamme vers ses meilleurs produits. D’où le sentiment souvent d’une déception au retour au domicile, faute d’avoir pu comparer sa qualité avec les vins d’autres vignerons.
Les manifestations et voyages
La Confrérie de l’Etiquette participe à de nombreux tastevinages : Bandol, Bellet, Provence. Elle participe au tournoi des Masters de Tennis de Monaco, dont les vainqueurs deviennent, tous les ans des Grands Ecuyers. Avec enthousiasme nous avons créé à Menton une fête annuelle au Pian. Nous sommes tous mobilisés à cette occasion pour y inviter la population mentonaise qui y participe avec les autorités politiques et religieuses de la cité. La mise à feu d’un cep de vigne de notre vignoble est effectuée par un prêtre qui participe ainsi à une cérémonie digne d’une population païenne. Elle organise des rencontres internationales avec d’autres confréries, permettant de visiter la Toscane (Chianti), le Piémont (Barolos), le Portugal (Portos de la vallée du Douro) etc. Au début du mois de juin de cette année, nous participerons en Suisse à la fête du Merlot, en collaboration avec une autre confrérie.
Les développements externes
Récemment, des contrats ont été conclus avec des collèges de Menton pour faire connaître les travaux de la vigne à leurs élèves. Ces élèves qui participent aux travaux du vignoble sont encadrés par des membres de notre association. Dernièrement un concours d’étiquettes réunissant une cinquantaine de projets a même été lancé dans les collèges pour sélectionner l’étiquette qui ornerait notre millésime 2004. Compte tenu de la qualité des projets présentés, nous avons décerné deux prix afin d’encourager les élèves et enseignants, ce qui nous offre la possibilité de décorer deux de nos cuvées. Enfin, la concession d’une vigne par la municipalité de Menton (vigne appartenant à un couvent touché par la crise des vocations religieuses), exige d’entretenir de bonnes relations avec la ville qui loge par ailleurs nos chais. Il nous faut aussi obtenir des subventions, toutes affaires qui exigent, entregent, relations avec les conseillers municipaux, etc.
Conclusion provisoire
A titre personnel, j’ai participé pour la première fois en 2005 à l’édition d’un guide consacré aux 600 crus de Provence en totale amitié avec les meilleurs sommeliers de la région. Par groupes de trois personnes, la dégustation en aveugle concernait 50 crus par jour et permettait une bonne répartition des étoiles et coups de cœur (un seul par jour).
Au fond l’on peut tout faire de son temps « libre », peu importe la nature de ces activités, si elles permettent des rencontres et développent la joie de vivre. C’est bien la diminution du tonus et du désir de faire qui symbolisent la vieillesse. C’est un rétrécissement sur soi-même qui est la conséquence de l’isolement et qui contribue à la solitude. Le principal indicateur de l’isolement est la diminution des relations avec les autres, la diminution du nombre d’amis, notamment, est un signe d’alerte important. Or toutes les activités humaines entraînent un développement des contacts et donc un élargissement des perspectives. Bien sûr, au début du cheminement, on peut s’interroger sur l’utilité de commencer une démarche d’apprentissage. Mais elle est porteuse de découvertes : voyages, rencontres avec d’autres personnes, découverte d’une Confrérie.
Guy Muller